écrits poétiques
Les mots me fascinent. Ils m'aspirent autant qu'ils m'effraient. A chaque instant, j'aimerais leur faire porter un idéal de transparence qu'ils ne peuvent ni ne doivent assumer, au risque de se muer en abstractions inintelligibles. Loin de cet écueil dévitalisé, la poésie encourage le réel à s'incarner. Elle s'y glisse pour mieux l'apprivoiser et, à grand renfort de sensations qui font significations, le donne à éprouver. Ainsi, le réel prend corps et voix, et le monde poétiquement s'invite chez chacun(e). Voilà probablement ma tentative : incorporer le réel par la poésie, faire sons, faire sens, et peut-être sublimer la poésie par le réel.
Un air de soi-même
Dessin par Emidolla
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Il m’arrive de vouloir
l’avoir
cet air de quelqu’un qui
l’air de rien
ne se prend pas pour
personne.
Le menton haut
le regard fier
et le cœur froid
de faux-semblant car,
au fond,
dans chaque interstice
de ses ventricules
ce cœur a surtout brûlé
à force de croire
qu’il suffit d’aimer
pour l’être en retour.
Et voilà le matricule
qui lui colle aux fibres et,
de corrosion en érosion,
creuse à sa surface
et jusqu’en son sein
des sillons.
Alors, il m’arrive de vouloir
l’avoir
cet air de quelqu’un qui
l’air de rien
ne se prend pas pour
personne
mais surtout pour
lui-même
et c’est déjà quelque chose
de se prendre pour
soi-même.
Géant aux ailes d'argile
Photo par Sarafistolle
Photo par Sarafistolle
Voilà qui je suis
voilà où je suis
où j’en suis
Albatros arraché à son milieu
naturel,
bancal !
qui voudrait bien retirer
son costume
de carnaval,
puis s’envoyer en l’air
convoiter les océans
et avec un air de lui-même
y déposer son ombre de
GEANT.
Lâche prise
Photo par Sarafistolle
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Pour devenir,
ils te demandent de lâcher prise,
littéralement
de desserrer tes doigts en étau sur le parapet
puis te laisser aspirer par la pesanteur
comme une pomme avec une flèche
plantée dans la tête.
Avouons,
qu’il y a de quoi y réfléchir,
à plusieurs fois.
Lâche prise :
ravale tes idéaux,
détourne tes rêves,
renonce à la compréhension
des souffrances qui te laissent sidéré,
accepte qu’il en soit ainsi
plus encore lorsque tu subis
parce qu’ainsi, seulement, tu peux agir,
éprouve le présent par le corps
et ainsi substitue aux souffrances pensées
la beauté d’une fleur qui grandit
au cœur du béton,
laisse faire le temps,
paraît-il que le temps peut tout,
et lorsque tu sens la rage t’envahir
face à celui qui t’oppose cela
comme il balaie devant sa porte,
trop méticuleusement,
applique-toi à te porter
la même indulgence
que tu sais porter à cet autre,
et à tous ses semblables,
depuis si longtemps.
Et surtout, oh surtout !
ne cesse jamais d’offrir
ces bouquets d’indulgence.
Leurs racines puisent en toi
l’essence
qui te permettra d’apprendre à voler
lorsque tu desserreras tes doigts
en étau sur le parapet,
un bouquet dans le corps et le cœur,
et au-dessus de ta tête,
des mellifères,
comme un ballon fier.
Au pire
Photo par Sarafistolle
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Au pire, je mourrai.
Cette confidence me fournit
l’énergie de la confiance
pour la vie en Absurdie ;
quand le sens s’enfonce
au creux de mes fossettes
jouant,
vaillamment,
la partition de la malice.
Car au pire, je mourrai.
Avec de la malice
pour conjurer la malice
d’une vie qui nous invite
à un bien original défi :
cultiver le sens même
de sa raison d’être
avec des graines
qui nous filent
sans cesse
entre les doigts
et creusent dans la terre
un sillon
ne pouvant
jamais s’enraciner.
Alors au pire, nous mourrons
Et est-ce grave, au fond ?
Que de mourir,
Et que de vivre avant cela.
J'aimerais comprendre
Photo par Sarafistolle
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J’aimerais comprendre pourquoi
les enfants disent
pourquoi ?
et les adultes y renoncent
quand ils n’imposent pas
le silence !
aux pourquoi des enfants.
J’aimerais comprendre en quoi
il peut être si dangereux
de questionner
la cause, la raison, l’origine
des choses
et plus encore
de la comprendre.
Peut-être pour cela.
Parce que les pourquoi
sont comme ces
rideaux
que l’on viendrait lever
sur des coulisses qui n’auraient
de beau et d'aimable
que la scène qui les devance.
La cour est en bordel,
en décrépitude, et les pavés s’y déboulonnent ;
le jardin est en jachère,
envahi de détritus que se disputent
des oiseaux trompés
comme la baleine par les sachets plastiques
dont elle se meure.
Peut-être pour cela.
Parce que les pourquoi
sont comme ces
trappes
que l’on viendrait ouvrir
sous des pieds qui,
à force de se poser
sur des traces milles fois piétinées,
en auraient oublié
ce que cela fait de sauter,
de ne plus toucher terre
puis de retomber à côté
de pompes
qu’on a cru être les siennes
trop longtemps.
Peut-être pour cela.
Parce que les pourquoi
sont comme ces
masques
que l’on abaisserait
une fois la fête terminée.
Restent les canettes
adossées aux mégots de cigarettes
écrasés à côté de leurs cendres,
les affiches passées, décollées, déchirées,
le silence
rompu par les froissements de papier
et les pigeons qui roucoulent
trop heureux que la foule
s’en soit allée.
En l'absence
Photos par Sarafistolle
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En l'absence,
il reste quoi
de ces gens cois ?
Il reste soi,
soi et le monde
à l'intérieur de soi,
vaste monde qu'ils ne sauraient voir
lorsque le monde tout autour
s'affole,
plus que de raison
s'impose à boire
par tous les pores
saoulent d'illusoires
pour combler l'espoir
vacant,
lorsque le sens ne peut plus se puiser
aux racines de l'utilité.